Edito

Olivier Scamps

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Après João Sanches, un autre point de vue sur la presse jeux vidéo : celui du français Olivier Scamps, vétéran du journalisme spécialisé, directeur des rédactions de Joystick, Joypad et PlayStation Magazine, trois des mags vidéo-ludiques les plus solides du pays.

Polygon : Beaucoup reprochent à la presse vidéo-ludique son amateurisme, sa superficialité et son manque d'intégrité.

Olivier Scamps : Cela a été longtemps vrai. Je trouve que ça l'est de moins en moins. Comme le milieu du jeu vidéo, la presse s'est énormément professionnalisée. Ouvrez un magazine actuel et son équivalent de 1994-95 : la différence saute aux yeux !

Vous qui travaillez depuis longtemps dans ce milieu, quel est votre point de vue sur les évolutions qu'a connu la presse spécialisée depuis la création de Tilt
en 82 ?

Elle est en train de se structurer autour de quelques gros groupes, nationaux ou internationaux, qui ont l'assise financière pour résister à des accidents ou à des retournements de tendance. L'essentiel du challenge, et c'est ce que nous essayons de faire chez Hachette, c'est de préserver un mode de fonctionnement "gamer", passionné, un peu anar, avec ce que ça suppose de créativité et de bordel, dans ce type de structure.

Que pensez-vous de l'état actuel de ce type de presse ?

Le problème de la presse spécialisée en France, ce n'est pas le nombre de lecteurs, qui est considérable, mais l'atomisation du marché. Il y a trop de magazines pour que chacun puisse subsister. Il s'est donc passé le même phénomène qu'avec les éditeurs de jeux : un mouvement de concentration. Les magazines les plus installés, ceux qui ont su se constituer un lectorat fidèle, perdurent et croissent, les plus faibles disparaissent. De fait, depuis deux ans, le nombre d'intervenants baisse : certains groupes de presse ont fermé, d'autres ont quitté ce secteur.

D'un point de vue diffusion globale, l'année 2000 n'a pas été excellente pour la presse console mais c'est normal : c'est une année de transition entre deux générations de machines. En revanche, la presse PC a fait une bonne année.

Le rédacteur en chef adjoint du très respecté magazine anglais Edge, que nous avons interviewé, parle d'un degré affolant de corruption dans la presse spécialisée jeux vidéo. Selon vous, est-ce aussi le cas en France ? Avez-vous été témoin de ce genre de pratiques ?

Le phénomène de corruption est effectivement très vrai en Angleterre où il est de notoriété publique qu'on peut "acheter" une note. Il y en a très peu à ma connaissance en France (et cela fait douze ans que je fais ce métier). En revanche, il y a eu autrefois beaucoup de pression sur les rédactions qui essayaient de bien faire leur travail (genre : chantage à la pub). Certains éditeurs comme Ocean étaient coutumiers du fait. Mais ce phénomène a beaucoup diminué : c'est un des bons aspects de la professionnalisation du secteur dont je parlais précédemment. Pour notre part, nous avons une ligne éditoriale assez dure. Les rédactions écrivent ce qu'elles veulent, tant qu'elles font bien leur boulot. On a par exemple démoli des jeux Disney ou Grolier, qui étaient pourtant actionnaires de notre boîte. De la même manière, la rédac de Joypad a émis des réserves marquées sur la Play 2 malgré l'existence de PlayStation Magazine au sein du groupe. Cette indépendance a généré des clash à court terme mais elle est payante à long terme : elles nous a permis de conserver beaucoup de lecteurs et donc d'être incontournable. Dans ce contexte, les annonceurs reviennent toujours.

Comment envisagez-vous le futur de la presse jeux vidéo ? Online ? Plus grand public ? Plus analytique ? Plus mature ?...

Sauf sur les officiels, je ne crois pas trop au grand public. Je ne pense pas que les gens qui achètent un ou deux jeux par an à Noël sont prêt à acheter un mag tous les mois à l'exception de Dreamcast Mag ou de PlayStation Mag. Joystick et Joypad sont très clairement des magazines pour "gamers". Les titres PlayStation sont plus ouvert.

On croit beaucoup à la complémentarité "On line/papier". C'est dans ce sens que nous sommes allé sur joystick.fr, qui est écrit par une équipe issue du mag. Ainsi, sur les news, le ton est le même, l'info est différente. Depuis la création du site, les ventes de Joystick sont en hausse, ce qui prouve que les deux media se complètent plus qu'ils ne se cannibalisent. Le Web, c'est le domaine de l'instantané et de l'archivage. En revanche, pour les dossiers et le traitement de fond, rien ne vaut le papier. D'ailleurs, joystick.fr sera d'ici l'été complété par un joypad.fr.

Propos recueillis via mail par Pierre Gaultier. Interview publiée en décembre 2000.

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"Nous avons une ligne éditoriale assez dure. On a par exemple démoli des jeux Disney ou Grolier, qui étaient pourtant actionnaires de notre boîte"

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


"On croit beaucoup à la complémen-
tarité "On line/papier"
. Depuis la création du site de Joystick, les ventes du mag sont en hausse
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