Edito

Zelda 64 est-il vraiment un chef-d'oeuvre ?

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Classé parmi les toutes meilleures ventes des dernières années (plus de sept millions d'exemplaires écoulés), Zelda 64 a fait l'unanimité dans la presse. Mais, à en juger par les violentes désillusions dont beaucoup de fans de la première heure nous ont fait part, l'accueil de beaucoup de joueurs a été plus frais.

Guillaume Briquet fait partie de ces hardcore gamers pour qui Zelda est "un mythe", et qui attendaient donc beaucoup du nouveau volet de la série. Il a été extrêmement déçu par Zelda - Ocarina of Time, et il s'en explique dans une longue lettre, à laquelle nous avons répondu point par point. Extraits.

MARRE DES REPOMPES

Guillaume Briquet : "Le début du jeu laisse doucement entrevoir le pire... et c'est encore pire quand on avance".

Polygon : Il est vrai que la scène qui ouvre Zelda 64 est abominablement ennuyeuse, surtout lorsqu'on la compare au début de Zelda 3 (SNIN, 92), véritable morceau d'anthologie avec son ambiance ténébreuse, sa pluie battante et son gameplay instantanément excitant.

Guillaume Briquet : "Je m'explique, car j'en entends déjà s'insurger. Il faut 3 points essentiels pour un bon action-RPG :

1) Une histoire et une ambiance réussies (voilà bien le principal) ;

2) Une bonne jouabilité ;

3) Des énigmes (et dans le cas de Zelda des temples) originales.

Or, voilà ce que j'ai remarqué :

1) L'histoire de Zelda 64, on l'apprend très vite, et on est très vite déçu (une repompe de la version SNES ? Pire ! Une sale repompe : le monde des ténèbres est maintenant dans la futur, et la triforce est de retour ! En plus, non content de repiquer ses propres oeuvres, Shigeru Miyamoto l'a très mal fait -je pense aussi au hibou : que vient-il faire à Hyrule, le guide de l'île de Cocolint ?)".

Polygon : Certes, la qualité première de Zelda 64 n'est pas son originalité. Dans le n°0 de Polygon version papier, nous disions : "Si Zelda 64 est le jeu le plus abouti du maître, il atteste aussi d'un essoufflement terrible de son imagination. Tout ou presque dans la façon dont est construit ce Zelda -scénario, architecture des donjons, système d'interaction entre les personnages, objets, équipement- est un décalque éhonté du Zelda 3 de la SNIN, sorti il y a tout de même plus de six ans". La série se doit de garder sa cohérence, mais jusqu'à quel point ?

MARRE DE LA 3D

Guillaume Briquet : "Quant à l'ambiance, elle a perdu en vie et souffre des lourdes conséquences de l'univers 3D : il est difficile en effet d'attribuer une âme à la 3D si on ne complique pas considérablement le monde créé -il faut trois fois plus de détails (et pas simplement un soleil qui se lève et se couche), car on est vraiment au coeur de l'action. Or le décor est très vide entre les villages".

Polygon : La plus grande erreur de Zelda 64, c'est certainement la structure en étoile de sa carte, trop hétérogène car construite autour d'une plaine presque déserte qui mène à tous les lieux du jeu. Dans Zelda 3 - A link to the Past, chaque écran possédait une vraie densité (ennemis et éléments nombreux), la carte était beaucoup plus compacte, et les différents secteurs du jeu étaient vraiment imbriqués les uns dans les autres. Dans la plaine de Zelda 64, il ne se passe pratiquement rien, et il n'y a pratiquement rien à faire.

Zelda 3

On attribuera cette platitude au manque de puissance et de Ram de la console, mais Polygon pense que Nintendo aurait pu opter pour une autre solution : enlever la plaine d'Hyrule, au profit de lieux beaucoup plus petits mais beaucoup plus foisonnants (le prochain épisode N64 de la saga, Zelda : Majora's Mask, qui doit bientôt sortir en occident et exploite l'extension mémoire, semble avoir choisi cette approche). Mais, convenons-en, Zelda 64 propose souvent de très belles atmosphères (voir le paradisiaque domaine Zora, où les reflets ondulés de l'eau dansent sur le mur), malgré une musique parfois insipide qui fait regretter les thèmes graves, épiques et adroitement orchestrés de Zelda 3 -le processeur son de la SNES est prodigieux.

Guillaume Briquet : "2) La jouabilité... mouais, un peu frustrante : les combats sont un véritable désastre sans la visée (injouables) et perdent tout leur intérêt avec la visée (plus rien à faire)".

Polygon : En elle-même, la jouabilité est parfaite : précise et intuitive. Miyamoto a réussi à rendre un univers en 3D aussi facile à appréhender qu'un plan en 2D. C'est un exploit. Mais les combats n'ont, en effet, rien d'excitant. Ils sont superficiels, primaires, et les différentes esquives ou attaques proposées ne servent strictement à rien : on peut très bien finir le jeu sans les utiliser une seule fois ! Cependant, les combats n'ont jamais été le point fort des Zelda, alors...

MARRE DES ENIGMES

Guillaume Briquet : "3) Les énigmes : oh, ben amuse-toi... On est tellement libre, ou plutôt c'est tellement grand, on met surtout tellement de temps pour aller d'un point A à un point B pour se rendre compte qu'il faut aller en C -peut-être... que cela en devient chiant. Quant aux villages, principal intérêt des anciens opus (Zelda 3, Zelda GB), pourquoi y résoudre les petites énigmes en plus alors qu'on s'ennuie déjà à mourir quand on parle aux habitants (une honte dans un RPG) ? Sans parler des temples, où les principales difficultés résident dans le fait qu'on se paume plus facilement dans un univers 3D que dans un univers 2D...".

Polygon : Les déplacements de Link enfant sont terriblement laborieux, mais ils sont franchement jouissifs ensuite : comment ne pas être grisé par les voyages à dos de cheval ? Quant aux temples, ils sont tout de même mieux intégrés à l'environnement du jeu que ne l'étaient ceux de Zelda 3 (voir notamment l'arbre Kokiri, la caverne Goron et l'intérieur de Jabu-Jabu), et leur architecture est intelligente, parfois originale. La grosse tare des châteaux, c'est finalement leur dérisoire facilité (le temple de l'eau excepté). La difficulté de Zelda 64 est surtout très mal dosée : les deux derniers châteaux, celui du désert et celui de Ganon, sont curieusement les plus aisés à passer (ce n'était pas le cas sur SNES).

Guillaume Briquet : "Je rajouterai que les petits jeux dans le jeu -la pêche, aussi intéressante qu'en vrai (on ne demandait pas tant de réalisme !), les casinos à s'arracher les..., etc.- n'ont qu'un intérêt : faire perdre le peu de pièces amassées dans le jeu. Vous m'aurez compris, je n'ai pas aimé ce "jeu" ; le pays d'Hyrule est défiguré, et le mythe est détruit".

Polygon : Les mini-jeux sont en effet franchement décevants (à part, peut-être, l'exercice de tir sur cibles à cheval, très fun), même si la finition de la pêche est indéniablement exemplaire. Globalement, la mécanique de Zelda 64 tient debout, mais de nombreux défauts de gameplay altèrent l'ensemble. Il y a ceux dont nous avons parlé plus haut, mais il y en a d'autres : sous-quêtes futiles -les masques, les skulltulas d'or, les fantômes de la plaine d'Hyrule...-, sorts superflus -la téléportation et l'invincibilité... Miyamoto ne nous avait pas habitué à ce genre de défaillances.

Zelda 64

Avec la 3D, il est incontestable qu'Hyrule a perdu une bonne partie de sa personnalité initiale. Cependant, le monde de Zelda n'est pas moins ensorcelant qu'autrefois, il est simplement différent (de même, Mario 64 ne ressemble guère à ses ascendants, ce qui ne l'empêche pas d'être formidable). D'ailleurs, était-il seulement possible de traduire en 3D le royaume d'Hyrule sans le modifier profondément, connaissant les limites techniques évidentes de la N64 ? Certainement pas. Pour renouer avec la richesse et l'esprit des Zelda en 2D sur une console de salon, il faudra sans doute attendre la Gamecube. A moins que Zelda : Majora's Mask ne crée un miracle (ce qui semble bien parti)...

PAS MARRE DE LA GAME BOY

Guillaume Briquet : "Enfin, pour conclure sur la daube du siècle, une chose : quand je pense à tous les amateurs de daubes qui vont se ruer sur Zelda : Majora's Mask, je leur dis : si vous aimez tant Nintendo, achetez-vous une Game Boy Couleur, c'est le même prix qu'un jeu N64 et il y aura 2 vrais Zelda dessus (en plus, y'a déjà le meilleur)".

Polygon : L'expression "daube du siècle" est infiniment exagérée. Comparez le degré d'achèvement de Zelda 64 à celui de la plupart des sorties récentes, et vous verrez qu'il se distingue nettement de ses concurrents. Si les choix de gameplay de Nintendo sont discutables, on ne peut en tous cas pas reprocher à la société de Kyoto d'avoir bâclé Zelda 64. Ce soft est techniquement parfait, exempt de tout bug, sa durée de vie est longue, et il est plaisant à jouer. Pas mal pour une daube !

Zelda GB

Quant à l'espoir que cristallisent les 2 nouveaux Zelda de la Game Boy couleur, édités par Nintendo mais développés par Capcom, il est en effet très grand. Etant en 2D, ils ont toutes les chances de perpétuer la saga sans en trahir l'âme. Les premiers clichés sont magnifiques, et les quelques nouveautés sont fort bienvenues (Link pourra modifier les saisons, Ricky, un kangourou, lui servira de monture...). A Polygon, on attend évidemment ces deux jeux de pied ferme.

Réponse écrite par Pierre Gaultier. Cet article est originellement paru dans le N°2 du fanzine Polygon (février 2000).

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Plan de l'article

- Marre des repompes

- Marre de la 3D

- Marre des énigmes

- Pas marre de la Game Boy

 

Liens vers...

- un test d'Ocarina of Time

- une preview de Zelda : Majora's Mask

- une preview des nouveaux Zelda GB

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


"Tout ou presque dans la façon dont est construit Zelda 64 est un décalque éhonté du Zelda 3 de la SNIN, sorti il y a tout de même plus de six ans"

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


"Je n'ai pas aimé Zelda 64. Le pays d'Hyrule est défiguré, et le mythe est détruit"